Nonobstant la non opérationnalisation des réformes, les préparatifs pour les élections locales avancent à grands, à en croire le gouvernement togolais. Dans cet ordre d’idées, ont démarré, depuis quelques jours, des consultations avec des partis politiques. Dans les rangs de la Coalition des 14 formations politiques de l’opposition, les velléités d’une participation y sont palpables, au regard des dernières faits et gestes de certains membres de ce groupe.
Du «bis repetita» en gestation
L’histoire est-elle en passe de se répéter au Togo? La question n’est pas anodine. Depuis quelques jours, le ministère de l’Administration Territoriale et des Collectivités Locales a démarré des consultations avec des formations politiques. Ceci, au sujet de l’organisation prochaine des élections locales. Dans les rangs de l’opposition, l’Alliance Nationale pour le Changement (Anc) et le Comité d’Action pour le Renouveau (Car) ont été déjà tenus informés de la démarche du gouvernement et dont la date du scrutin n’est pas encore arrêtée. Si le Car, dans sa réponse au ministre, a opposé un refus catégorique à toute organisation d’élections sans les réformes, nul n’a à ce jour une idée exacte de ce qui a été dit entre la délégation du parti de Jean-Pierre Fabre et le ministre Payadowa Boukpessi. Un mutisme notoire a donc caractérisé cette rencontre bipartite.
Une situation qui ravive les supputations et polémiques, en lien avec le passé politique récent du pays. Les togolais gardent toujours en mémoire, la participation de l’ex chef de file de l’opposition, Jean-Pierre Fabre à la présidentielle de 2015. Une démarche restée à ce jour au travers de la gorge des millions de militants, sympathisants et assoiffés de l’alternance politique qui, des années durant, réclamaient l’effectivité des réformes avant toute participation de l’opposition à une quelconque élection, notamment la dernière présidentielle. Mais que nenni. L’Anc y a été, sans les réformes, avec les résultats que l’on connaît.
2015… toujours dans la mémoire des togolais
Malheureusement, tout semble dire que le scénario de 2015 se profile à nouveau à l’horizon. Et de la part du même acteur. En effet, au rang des trois points à l’ordre du jour du récent conclave de la C14, finalement boycotté par cinq (5) des quatorze (14) notamment le Car, le Pnp et Togo Autrement, Santé du Peuple et le Mcd figure celui lié à «l’alliance électorale pour les locales et la présidentielle de 2020».
Si une alliance électorale dans la perspective de la présidentielle de 2020 est encore envisageable, dans l’espoir que les réformes seront opérées avant l’échéance, encore que la C14 est créée pour provoquer une alternance politique à la tête du pays, cela n’est point le cas pour les locales que l’on annonce très imminentes. Courant avril -mai, selon certaines sources . Dans un contexte de mutisme flagrant du gouvernement après les législatives de décembre 2018 qui a accouché d’un parlement unicolore, s’inscrire dans la dynamique des élections, sans les réformes pour lesquelles les togolais, dans toutes leurs composantes, se battent, reviendrait donc pour l’opposition de jouer pleinement le jeu du pouvoir de Lomé contre lequel elle dit se battre.
La C14 phagocytée ?
Aujourd’hui, aussi bien le Car que le Pnp, tous disent ne pas se retrouver dans ce point inscrit à l’ordre du jour du conclave. Car, cela semble beaucoup plus une sorte de trouvaille d’un certain courant de participationistes au sein de la C14. Des acteurs qui, visiblement, digèrent mal la perte de leur prestige au travers de leur boycott des législatives du 20 décembre 2018. «Le but du conclave était plutôt de nous annoncer le nom du pape !», a ironisé Jean-Kissi, le Secrétaire général du Car. « Pour le PNP, il n’est pas question de faire une quelconque structuration, parce que, ce n’est pas ce qui a manqué à la lutte. Ce qui a manqué à la lutte : c’est la généralisation de la contestation…Pour le second point, tant que les réformes ne sont pas faites, il est prématuré de parler d’élections…», a affirmé, pour sa part, Ouro Djikpa Tchatikpi, Conseiller du Président National du Pnp. La clarification de la position du Car, du Pnp et dans une moindre mesure de «Togo Autrement» contraste avec le mutisme de certains toujours dans l’ombre de l’ogre. Ce qui laisse penser, sans grand risque de se tromper, à un embrigadement dont sont visiblement victimes ces autres formations politiques présentes au conclave du 20 février dernier.
Des velléités qui en disent long
L’habitude étant une seconde nature, l’analyse croisée de la situation, tenant compte de la récente sortie de l’ex député Drah de l’Anc et du mutisme du parti orange après sa consultation avec le ministre de l’Administration Territoriale donnent raison aux observateurs qui estiment que ce conclave se veut une machination d’une classe d’«opposants dealers» et cacherait mal leurs velléités de demeurer les «répondants naturels» du pouvoir de Lomé. Et ce, dans l’éternel manège d’ombrage toute opposition menaçante pour le régime cinquantenaire. Autrement, aucune raison ne saurait expliquer ce point à l’ordre du jour du conclave, sachant que les mêmes causes produiront les mêmes effets.
Un feuilleton à plusieurs épisodes
Il ne se passe de jours sans que le sujet ne soit remis sur le plateau. Quoi consommons-nous concrètement ? Ceci, au regard de la floraison, sur le marché, des produits très souvent à polémique. Du riz impropre à la consommation par ici, de l’huile, des biscuits, des pâtes alimentaires, des liqueurs, boîtes de conserve, eau de javel, vinaigre, du tilapia par-là…, bref, des produits avariés, donc toxiques, qui demeurent toujours dans le circuit commercial. Les exemples sont légions.
Ces dernières semaines, c’est l’affaire d’une cargaison de riz birman déclaré impropre à la consommation en Guinée qui défraie la chronique. En transit à Lomé, avec pour destination le Burkina Faso, après son interdiction de décharge en terre guinéenne, ce riz a été au cœur de plusieurs débats au Togo. D’abord interdite de débarquement par le ministère en charge de l’agriculture, cette cargaison a finalement été déclarée non toxiques, par les services compétents du ministère de la Santé, après prélèvement et analyse d’un échantillon.
Le cas du Togo et du Burkina Faso
Au Togo, les chiffres ne sont pas reluisant. Au premier trimestre de l’année 2018, plus de 85 tonnes de médicaments contrefaits ont été saisies par l’autorité publique. Aussi, près de la moitié des médicaments consommés au Togo sont des faux, selon l’ordre des pharmaciens du Togo (Opt).
Déjà en mai 2014, le ministre de la sécurité et de la protection civile a annoncé la saisie par les forces de l’ordre et de sécurité de plus de 200 tonnes de produits pharmaceutiques contrefaits. Ceci pendant que 22 tonnes de médicaments contrefaits ont été saisis en septembre 2015.
Il y a quelques jours, ce feuilleton était à un nouvel épisode au Burkina Faso où les services douanières ont intercepté une cargaison de riz d’origine asiatique, de surcroît birmane, en provenance de Côte d’Ivoire, déclarée impropre à la consommation. Ce pays de l’hinterland vient donc d’enregistrer ainsi un énième cas. En décembre 2016, par exemple, plus 38 tonnes de riz avaient été saisies au poste frontalière entre le le Bénin et le Burkina Faso. Au premier semestre de l’année 2017, plus de 80 Tonnes de produits impropres à la consommation dont des poulets, huile, cubes et riz avariés ont été saisis et détruits. Mais avant, plus de 24.000 litres d’huiles contrefaites l’ont été en 2014. En janvier dernier, le ministre du Commerce, de l’Industrie et de l’Artisanat a annoncé la circonscription, le démantèlement et la fermeture de 44 unités clandestines et la saisie 45.000 bidon de 20 litres d’huiles contrefaits. Bref, le Burkina se veut le symbole de la présence des produits contrefaits et toxiques sur les marchés de la sous-région.
À qui donc la faute?
C’est bien la question pertinente qu’il convient de se poser, au regard de la persistance du mal. Aussi bien au Togo que dans d’autres pays de la sous-région, les périodes de fêtes de fin d’année riment avec la saison des produits contrefaits et toxiques qui coulent, d’ailleurs, à flots. Et les causes sont diverses, de même que les responsabilités situées à divers niveaux.
En premier, la cupidité de certains opérateurs économiques importateurs de ces produits, le plus souvent en complicité avec des agents de l’Etat véreux qui contournent le circuit légal pour déverser sur le marché, lesdits produits qui nuisent gravement à la santé des populations.
En second, la fébrilité des institutions de certains États à lutter efficacement contre le phénomène. Pour ce qui est du Burkina Faso, la réglementation en vigueur s’avère trop légère, voire clémente à l’encontre des contrevenants. En cas de saisie des produits avariés ou impropres à la consommation, à titre d’illustration, la loi burkinabé stipule que seuls les frais de destruction du stock incriminé incombent à l’importateur. Une légèreté qui laisse libre court à cette pratique aux conséquences dévastatrices qui a envahi toute la sous-région. Au Togo, malgré les dispositions rigoureuses du Code de la Santé publique, le suivi reste malheureusement un maillon faible. Le manque d’opérations de contrôle dans les marchés et autres points de vente pour vérification des produits, leur date de péremption et leur authenticité en est la cause majeur de l’inondation des supermarchés des produits périmés et avariés, royalement servis aux consommateurs.
Nécessité pour les États d’assumer leurs responsabilités
Partant de constat de responsabilité partagée, toutes les entités intervenant dans la réglementation et la régulation du commerce au Togo et ailleurs devront donc commencer par jouer véritablement leur rôle. Aucune compromission ne devrait plus être de mise puisqu’il s’agit de la santé humaine qui n’a pas de prix. Bref, il revient aux États d’assumer leurs responsabilités, comme celui de protecteurs des citoyens pour que cessent ces pratiques peu orthodoxes et qui mettent en péril, la vie des populations.
FRATERNITE