La situation sociopolitique du Togo serait tout autre (pas aussi dégradante inquiétante) si des institutions comme l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF), l’Union Européenne (UE), la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), l’Union Africaine (UA), bref, la communauté internationale avait été ferme sur les graves irrégularités constatées lors des élections qui se sont déroulées au Togo. Au contraire, ces organismes ont toujours fait preuve de complaisance vis-à-vis du pouvoir de Lomé qui a fini par croire que les fraudes électorales font parties du jeu démocratique.

Depuis 1990, les élections ont toujours souffert de la transparence et de la crédibilité au Togo. Ces institutions le savent mieux que les Togolais eux-mêmes, puisque les nombreux rapports produits par leurs missions d’observation, qui sont encore consultables, font cas des anomalies lors de ces élections.

« L’Union européenne envoie toujours des observateurs touristes, qui ont dans leur PC, des phrases toutes faites pour empocher leurs perdiems et se tourner les pouces à l’hôtel. Tant pis pour le Togo ! La France, avec l’OIF, est plus pernicieuse encore », fait remarquer le Prof Kuakuvi Magloire.

En 2007, Mme Marie-Arlette Carlotti, à la tête d’une délégation du Parlement européen pour l’observation des élections législatives du 14 octobre 2007 au Togo, écrivait dans son rapport : « Pour des élections législatives du 14 octobre, le mode de scrutin retenu est la proportionnelle à la plus forte moyenne. Mais, fait inhabituel pour ce mode de scrutin, les 81 sièges ne sont pas pourvus par le biais d’une liste nationale ou de grandes régions, mais dans 31 circonscriptions de 2 ou 3 sièges (avec 2 exceptions : 4 sièges à Tone et 5 sièges à Lomé commune). Il existe une disparité importante entre le nord et le sud du pays dans la répartition des sièges en fonction du nombre d’inscrits. Par exemple, un électeur d’Assoli – préfecture de la Kara – vaut 13 électeurs à Lomé Golfe. Cette répartition des sièges profondément inéquitable a pourtant fait l’objet d’un accord entre les formations politiques signataires de l’APG ».

Le document indique en outre : « Sur la question du système électoral proprement dit, l’Accord Politique Global laissait le choix ouvert entre trois modes de scrutin. Le gouvernement a finalement retenu le scrutin proportionnel de liste à la plus forte moyenne dans 31 circonscriptions. La clé de répartition des sièges entre circonscriptions, aboutit à des déséquilibres de représentativité importants entre circonscriptions, allant de 1 (Assoli) à 13 (Golfe). La MOE ne peut que constater que, à cet égard, le système électoral s’écarte significativement des recommandations internationales en la matière, telles que dégagées par le Comité des Droits de l’Homme des Nations Unies dans ses commentaires sur l’article 25 du Pacte International sur les Libertés Civiles et Politiques… ».

Et la Mission d’observation électorale de la l’Union européenne de formuler des recommandations, notamment « revoir le découpage électoral afin de rééquilibrer la représentation des populations. A défaut de recensement des populations, les évaluations actuelles s’avérant peu précises, l’allocation des sièges attribués aux circonscriptions pourrait être établie sur la base du fichier électoral, lequel constitue une base consensuelle. Il importe également d’examiner si l’actuelle base utilisée, à savoir les préfectures, peut effectivement permettre une allocation compatible avec l’usage de la proportionnelle du fait du nombre relativement réduit de sièges en jeu (81)… », porté aujourd’hui à 91 sièges.

Certes, les revendications du peuple togolais, aujourd’hui, ont évolué avec surtout le mode de scrutin à deux tours et la limitation du mandat présidentiel à deux. Cependant, plus d’une décennie après ces observations et recommandations, rien n’a été fait. Le régime togolais continue de bénéficier du soutien de l’ONU, de la France et toutes les autres institutions précitées. Et lorsque l’opposition hausse le ton, dénonce les travers et surtout crie à la fraude, le régime lui répond par la répression systématique, comme on l’a assisté en 2010 où les ordinateurs de l’opposition ont été saisis et les nombreuses violences exercées sur les populations qui ont suivi plus tard et qui continue de se dérouler dans le pays. L’état de siège décrété sur certaines villes du pays en est la preuve.

« Vous verrez que l’Union européenne qui lui a fait des recommandations qu’il (Ndlr, le gouvernement togolais) n’a jamais suivies à la lettre, lui donnera de nouveau sa bénédiction ! L’ONU sera la première à lui débloquer des fonds pour lesdites élections. Si elle refuse, le Togo peut organiser élections et référendum sur fonds propres ! Pour ce faire, il trouve toujours de l’argent, même s’il dit qu’il n’y a pas d’argent dans le pays, pour l’éducation et la santé », déplore Prof Magloire Kuakuvi.

Et donc, c’est ainsi que les problèmes du Togo s’accumulent année après année, sans que ces institutions internationales et sous-régionales n’arrivent à les résoudre. On ose croire qu’avec la feuille de route qui est sur le point d’être publiée, la CEDEAO saura faire un sacrifice pour résoudre définitivement la crise politique au Togo.

I.K